Nos aventures ont commencé le 10 juillet matin au départ de Singapour ! Nous avons pris le métro jusqu’à Kranji puis le bus local 170 qui nous a amené jusqu’à la sortie de Singapour puis jusqu’à l’entrée de la Malaisie (les deux sont séparés par un grand pont), puis au terminal des bus de Johor Bahru. Petit moment d’émotion en passant l’immigration à Singapour, lorsque l’agent nous a mis notre tampon de sortie ! Je l’ai regardé, il m’a regardé, il a tamponné mon passeport, je me suis mise à pleurer, il n’a pas compris !
Arrivés à Johor Bahru à 12h, nous avons cherché un bus pour Malacca. En plein air, le terminal est bordé d’agences qui vendent des tickets, mais aucune n’en vendait pour un bus avant 18h30, alors que des bus pour Malacca sont censés partir toutes les 30 minutes. On nous a alors dit que tous les bus étaient complets à cause de la fin des vacances, alors nous nous sommes demandés ce qu’on allait faire pendant six heures dans le terminal bondé avec nos sacs de 12 kilos sur le dos. Nous avons essayé de marchander quelques tickets au noir avec des malaisiens qui semblaient en vendre pour des bus supplémentaires, mais on s’est dit que ce n’était pas très légal, surtout quand on a vu la police débarquer ! Alors nous sommes allés manger et acheter une carte sim pour avoir internet en Malaisie, et puis nous nous sommes assis par terre dehors au milieu des gens, le plus près possible des bus malgré la chaleur. J’ai alors tenté le tout pour le tout en allant voir les chauffeurs de bus à bord des bus prêts à partir pour Malacca, et en leur disant de penser à moi si deux places se libéraient. Notamment le bus de 14h où le chauffeur a rigolé quand je lui ai demandé, il parlait à peine anglais et ne devait pas avoir l’habitude de ce genre de requête ! Toujours est-il que finalement à 14h10, après avoir crié « Melaka, Melaka » plusieurs fois sans succès, le chauffeur m’a fait signe que l’on pouvait prendre le bus, deux personnes ne s’étaient pas présentées ! On a ramassé nos sacs et on a couru pour les fourrer dans la soute et monter (sans oublier de demander au chauffeur combien on lui mettrait dans la poche en sortant car nous n’avions du coup pas de ticket pour ce bus). Nous sommes donc arrivés à Malacca vers 18h contents d’avoir surmonté la première épreuve du voyage.
Nous avons adoré découvrir Malacca ! Le centre historique a beau être assez petit, nous nous sommes bien promenés, d’abord à Chinatown admirant les rangées de shophouses en grignotant des biscuits malais (husband and wife biscuits un régal !), parcourant Jonker St, et Harmony St (Jalan Tokong Besi) où cohabitent le temple chinois Cheng Hoon Teng, la mosquée Kampung Kling et le temple indien Kuli Sri Poyyatha Vinayagar Moorthi.
Au déjeuner, il faut tester le poulet et boules de riz (rice balls) de Hoe Kee Chicken Rice, et en dessert le Cendol de No 1 Kopitiam juste en face ! Le chicken rice a beau être un plat typiquement singapourien, la version avec les boules de riz était incroyablement bonne.
Malacca c’est aussi la Red Square, place entourée de bâtiments rouges datant de l’époque hollandaise. De la place, on peut monter une petite colline pour atteindre les ruines de St Paul’s Cathedral qui surplombent la ville. La vue sur la mer et le détroit de Malacca est très chouette ! Nous nous sommes d’ailleurs reposés ici quelques heures au frais dans l’herbe avant de redescendre nous promener le long de la Malacca River en dégustant un Coconut shake.
Enfin, à Malacca, nous avons rencontré un formidable père de famille qui nous a hébergés pendant 2 nuits dans sa maison. Il est médecin, malaisien d’origine indienne, et nous parlé de la politique et du système éducatif en Malaisie. La Malaisie est un pays musulman avec 28 millions d’habitants dont notamment 65% sont d’origine malaise, 25% sont d’origine chinoise, 5% sont d’origine indienne. L’islam est la religion officielle, mais les autres religions sont pratiquées librement. Cependant, la constitution malaisienne définit strictement la notion de « Malais » en tant qu’ethnie : sont Malais ceux qui sont musulmans, parlent malais régulièrement, pratiquent les coutumes malaises et ont des ancêtres nés en Malaisie avant l’indépendance (1957). Il y a donc une différence entre la nationalité malaisienne et l’ethnie des « Malais ». Ces derniers sont favorisés par la politique du pays, au détriment des malaisiens d’origine indienne, chinoise (qui ont pourtant aussi la nationalité malaisienne)… Par exemple, ils bénéficient d’avantages pour acheter une propriété, pour avoir un permis pour monter un business ou faire du commerce, les étudiants malais sont prioritaires pour avoir des bourses et des places dans les universités et les internats, ce qui donne un système fondé sur l’origine et non le mérite … Nous avons également rencontré un Sikh qui nous a parlé de l’Inde et a également dit que la vie était moins facile pour les malaisiens qui ne sont pas malais. Nous espérons quand même pouvoir rencontrer un malais pour avoir son avis sur la question… A noter aussi que, dans la loi malaisienne, il y a une interdiction de parler ou de remettre en question ces avantages (Sedition Act). Il est également intéressant de rappeler que la Malaisie se classe 146 sur 180 pays concernant la liberté de la presse (Singapour est encore pire au rang 154 et la France est seulement à 45).
En fait, en creusant plus loin sur ce sujet, on voit que ces avantages ont été écrits dans la Constitution de la Malaisie (article 153) en 1957, après l’indépendance par rapport aux anglais. L’article 153 a été écrit pour protéger les malais de l’immigration de travailleurs chinois et indiens qui avaient commencé à dominer l’économie. En effet, favorisés lors de la colonisation, chinois et indiens étaient généralement riches et vivaient dans les villes, tandis que les malais étaient pour la plupart des agriculteurs pauvres. L’article 153 a été initialement rédigé pour être une mesure temporaire de 15 ans pour équilibrer la situation entre malais et non-malais, mais a fini par devenir permanent. Aujourd’hui, 60 ans plus tard, une telle mesure a pour conséquences de développer la frustration des non-malais qui ne sont pas encouragés à rester en Malaisie (notre hôte a prévu d’aller vivre en Australie pour que ses enfants ne subissent pas ce qu’il a subi), et de notre point de vue au sein de la population malaise, il ne favorise pas la méritocratie car les malais ne doivent se battre pour des bourses d’études ou pour avoir des entreprises plus compétitives. Ainsi, le pays n’est pas aussi compétitif qu’il pourrait l’être, avec 65% de sa population se reposant sur leurs acquis au lieu d’essayer de se challenger vers le succès.
Le 13 juillet nous sommes repartis en bus pour Kuala Lumpur, la capitale de la Malaisie !
Pour aller plus loin :
- The Costs of Malay Supremacy – http://www.nytimes.com/2015/08/28/opinion/the-costs-of-malay-supremacy.html (en)
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