Islamabad… Je dois admettre que le nom de cette ville provoquait dans mon esprit un sentiment d’appréhension, et je ne savais pas pourquoi… Et après avoir quitté notre ami Tajammul et la vie paisible à Gilgit, notre voyage à Islamabad s’est avéré être assez fatigant. Tout d’abord, même si Islamabad est à seulement 600 km de Gilgit, le voyage dure 16 heures ! Et même si nous descendions la Karakoram Highway, la route est en très mauvais état, horriblement cahoteuse. Ensuite, nous avons dû passer sur la route par plusieurs contrôles de la police où seuls Alex et moi descendions du bus pour être interrogés par la police sur le but de notre voyage, et cela durait une bonne demi-heure. En fait, dans le bus il y avait un garde à l’avant avec un gilet pare-balles et une kalachnikov et c’était lui qui allait avec nous dans le bureau du poste de contrôle. Après deux contrôles, il s’est rendu compte que nous avions des copies de nos passeports, donc il les a prises et nous a dit que pour les prochains checkpoints il pourrait s’occuper de tout et donner les copies à la police. Grâce à son aide, nous avons passé le reste du voyage sans nous préoccuper de chaque arrêt.
A 20h, après 10 heures de route, nous avons fait un arrêt au PTCD Motel (motels tout le long de la route gérés par le gouvernement) et nous nous sommes dit que c’était l’arrêt pour la nuit afin que nous puissions dormir pour reprendre le bus le lendemain. Un gentil monsieur nous a informé que c’était l’heure du dîner, offert par la compagnie de bus (chouette !), et que nous retournerions dans le bus après 30 minutes (euh…). Quand nous avons demandé à dormir, il nous a dit que le bus ne s’arrêtait pas pour la nuit et que nous arriverions à Islamabad à 3h du matin !!! Quelle surprise ! Habituellement, les bus s’arrêtent pour la nuit, mais certains, comme celui dans lequel nous étions, font le trajet d’une traite ! Pauvre de nous, nous nous attendions à enfin un peu de repos après une journée à sauter sur nos sièges, mais non c’est parti pour une nuit dans le bus ! Et quand nous sommes arrivés à 3h du matin, Islamabad était là, dans une atmosphère hostile, ou était-ce dans ma tête ? Le bus nous a laissés à Rawalpindi au sud d’Islamabad dans une sorte de bazar où les chauffeurs de taxi ont commencé à nous harceler et où les hôtels n’avaient pas de douche même partagée (et nous avions vraiment besoin d’une bonne douche !). Nous avons cherché sur Internet et trouvé une guesthouse à Islamabad. Heureusement, un chauffeur a accepté de nous conduire là-bas au milieu de la nuit pour un prix raisonnable. Nous avons passé plusieurs contrôles de police à travers une ville fantôme, mais qui avait l’air plus moderne que ce que nous attendions. Le chauffeur nous a laissé dans un quartier résidentiel avec de cossues maisons où notre guesthouse s’avéra être une belle et moderne maison avec douche chaude et chambre immaculée, tout ce dont nous avions besoin !
Notre réveil au milieu d’une Islamabad ensoleillée fut surprenant. Dans la capitale du Pakistan, nous avons découvert une ville verte, pas dense, avec de grandes avenues bordées d’arbres et de riches habitations. Pas du tout la ville poussiéreuse et dangereuse que nous attendions. Nous avons réalisé la puissance de nos médias, véhiculant une tension injustifiée et une image fausse de cette ville. Par exemple, la quatrième saison de Homeland nous avions regardé il y a quelques mois montre beaucoup de scènes dans une Islamabad parfois proche du chaos et avec des dialogues montrant que les services secrets pakistanais supportent les Talibans. Dans un monde occidental où le mot « Islam » inspire la peur notamment à cause de « l’Etat Islamique », sûrement Islamabad, « la ville de l’Islam » aurait dû être plus effrayante que jamais. Je dois admettre qu’à ce moment-là, j’ai eu honte de ne pas savoir que « Islam » signifie « Paix » et qu’Islamabad est en fait « la ville de la paix ». A bon entendeur…
Le soir, nous avons rencontré notre hôte Faysal qui nous a directement emmenés dîner dans un restaurant afghan où nous avons mangé des kebabs délicieux. Puis il nous a conduits aux Margalla Hills, de belles collines surplombant la ville.
Faysal vit à Rawalpindi qui est en fait la sœur jumelle d’Islamabad, juste au Sud, et que j’aurais envie de qualifier de vieille ville. Islamabad est très moderne parce qu’elle a été construite à partir de rien dans les années 1960 lorsque le lieu a été choisi pour être la nouvelle capitale en remplacement de Karachi. Islamabad est construite sur un schéma de damier, où chaque quartier est un carré et possède en son centre une zone publique entourée par des magasins et des restaurants. Il y a un carré appelé Minister’s enclave, consacré aux organes du gouvernement, et un autre appelé Diplomatic enclave qui regroupe les ambassades et les maisons des diplomates (et pour entrer dans ce quartier, on a besoin d’une autorisation spéciale).
Au contraire, Rawalpindi est dense et plus vivante avec son bazar populaire. C’est également là que se trouvent le siège de l’armée pakistanaise et l’aéroport.
Notre deuxième jour à Islamabad était un jour saint en raison de la célébration de la naissance du Prophète Mahomet (Mawlid). Donc Faysal nous a emmenés dans le centre ville de Rawalpindi pour voir des processions de pakistanais qui vont se rassembler dans différents endroits pour prier et chanter. Nous sommes arrivés au milieu d’une grande place où des centaines de personnes s’étaient rassemblées devant une grande scène. A ce moment là, je me suis souvenue de ce que dit le site web du gouvernement français comme quoi les touristes devraient éviter les rassemblements de foule au Pakistan, mais de toute façon nous étions déjà en plein dedans. Il y avait quelques hommes assis sur la scène, et un autre homme debout avec un micro chantait et animait la foule. Faysal m’a demandé si je voulais monter sur la scène pour prendre une photo alors nous sommes montés et quand nous nous sommes retournés pour faire face à la foule, j’ai vu l’animateur pointer son bras vers nous en parlant à la foule. On nous a demandé de venir au devant de la scène. L’animateur a parlé à la foule avec ce qui semblait être un message de bienvenue pour nous, Faysal a dit quelques mots expliquant qui nous étions, des touristes français venus visiter et profitant du Pakistan. Deux hommes sont soudain arrivés de nulle part pour mettre des guirlandes style guirlandes de Noël autour de notre cou. Puis Faysal a commencé à chanter une belle chanson spirituelle sur la scène et ils lui ont apporté un gros trophée doré. Tout allait très vite. Une femme a soudainement saisi ma main si fort et m’a prise dans ses bras ! La foule et le chef commencèrent à chanter puissamment en ajoutant les bras au-dessus de leurs têtes. L’animateur s’est approché de moi avec un foulard qu’il a fait voler dans ses mains et a mis sur ma tête en guise de voile (bien que j’ai déjà mon voile sur les cheveux). Faysal m’a ensuite dit que c’est un cérémonial du Prophète qui respectait beaucoup les femmes et faisait souvent ce geste de mettre un voile sur leur tête comme l’animateur avait fait avec moi. Après cela, nous sommes descendus de la scène et certains hommes ont écarté la foule afin que nous puissions passer. Les gens nous suivaient en prenant des photos avec nous. Les hommes serraient la main d’Alex tandis que les femmes amenaient leurs enfants pour prendre ma main. Les gens nous offraient de la nourriture. C’était tout simplement incroyable.
Après toutes ces émotions, nous sommes allés à Islamabad, où nous avons visité la Faisal Mosque, une superbe mosquée immense, magnifiquement construite au pied des Margalla Hills.
Puis nous sommes allés dans un grand centre commercial, Centaurus, moderne et plein de boutiques occidentales. Nous avons également découvert des endroits agréables pour sortir avec des amis, et des restaurants en terrasse pour profiter du beau temps.
La mission du lendemain était de vendre la voiture de Faysal. Nous avons passé la journée à aller dans différents endroits avec l’acheteur pour mettre les papiers en ordre. Notre objectif à Islamabad était également d’obtenir une extension de visa… En effet, nous avions déjà consommé la moitié de notre séjour, et nous voulions encore plus de Pakistan ! Nous sommes allés au ministère de l’Intérieur pour obtenir une lettre que nous pourrions ensuite soumettre au bureau des passeports et des visas dans un autre bâtiment à 6 km. Le ministère de l’Intérieur est plein de paperasses et beaucoup de gens qui n’ont pas l’air de faire grand chose. La meilleure façon de résumer la situation de la bureaucratie au Pakistan, c’est que nous avons traversé de longs couloirs où le nom de « Secrétaire » était décliné sur toutes les portes. Vous avez le premier secrétaire, le secrétaire adjoint, le secrétaire général, le second secrétaire, le secrétaire assistant… Nous avons cependant passé un bon moment. On nous a offert du thé, nous avons aidé un secrétaire à imprimer un tableau compliqué sur Microsoft Word, et nous sommes sortis avec l’obligation de revenir le lendemain pour récupérer notre lettre.
Le lendemain, nous sommes retournés au ministère, nous avons eu une autre tasse de thé, obtenu la lettre. Ensuite, nous sommes allés au bureau des passeports et des visas, pour présenter notre lettre et demander l’extension du visa. Mais il fallait payer les frais d’extension à la banque et il était trop tard dans l’après-midi donc la banque était déjà fermée.
Le lendemain, nous étions jeudi et c’était le jour où nous allions au mariage d’un ami de Faysal. Faysal nous avait invités à nous joindre à lui et nous étions très heureux d’assister à notre premier mariage pakistanais. Mais avant d’aller au mariage, nous avons dû déposer notre passeport pour notre extension de visa, après avoir été à la banque pour payer les frais d’extension. Bonne nouvelle, nous recevrions nos passeports lundi avec notre extension de 6 mois et une réentrée, ce qui signifie que nous avons la possibilité de revenir au Pakistan une deuxième fois avant fin mai (peut-être que nous en aurons besoin si nous n’arrivons pas à sortir d’Inde par la mer !)
Ensuite, nous nous sommes aperçus que nous retournions au ministère de l’Intérieur. Parce que Faysal avait réalisé que nous avions besoin d’une lettre d’autorisation (NOC) pour aller à l’endroit où le mariage avait lieu, Dera Ismail Khan. En fait, certaines zones au Pakistan sont encore limitées d’accès pour les étrangers et ils ont besoin d’une autorisation spéciale pour y aller et pour obtenir une protection. Cependant, géographiquement parlant, la région de Dera Ismail Khan est encore loin des zones où certains talibans se battent encore avec la force militaire pakistanaise. Nous n’avions donc pas peur d’y aller. Par contre, nous avons commencé à être un peu inquiets de ne pas arriver à temps pour le mariage, à huit heures de route d’Islamabad. Après le passage au ministère, nous avons dû aller acheter des fleurs ! Et quand nous sommes finalement partis pour le mariage il était déjà très tard et nous sommes arrivés dans la nuit alors que la cérémonie était terminée. Heureusement, les mariages au Pakistan durent plusieurs jours et nous n’avions raté que le premier !!
Superbe article ! Toujours bien écrit, décrit! On a l impression d être avec vous! Une nouvelle expérience de vie, plein d émotions et de frissons j imagine! En tout cas chaque matin j espère trouver un article, ca me fait ma journée! Merci ! Caro
Merci Caroline pour ton gentil message ! En effet, on découvre tous les jours de nouvelles choses, c’est intense ! J’espère que tout va bien de votre côté !
How lucky you are, blessed by a crowd in ‘Pindi !
Take good care, be humble and learn.
This is lessons for life, and the stakes are high.
Now I see what made you happy today.
You made my day too.
Thanks.
Beautiful!